SESSION IADE 1999

 

 

 

Sommaire

 

Positions per opératoires LE GARROT PNEUMATIQUE

Auteurs : J-M Ricaud, B Vanhove, Dr P Richart

       DARC1 Hôpital Roger SALENGRO CHRU de Lille

Résumé :

1) Introduction

La mise en place d’un garrot pneumatique au niveau d’un membre interrompt la circulation artérioveineuse dans la région située en aval. Cela permet d’avoir un champ opératoire exsangue. Son utilisation a pour objectif de diminuer le saignement peropératoire et de faciliter le geste chirurgical. Elle ne modifie ni les pertes sanguines globales (périopératoires) ni la durée opératoire. Le garrot doit être justifié par l’équipe chirurgicale et cogéré avec l’équipe anesthésique. La chirurgie orthopédique et traumatologique est la principale indication de garrot du membre inférieur.

2) Mise en place

Le garrot pneumatique rectangulaire (ou conique) large est placé à la racine du membre (voire à la cheville) sur une bande de coton protectrice. L’exsanguination du membre est faite par une bande d’Esmach ou par surélévation à 45° pendant 5 à 8 min (volume chassé de 500 à 800 ml). Elle évite la stase sanguine, favorisant la constitution de caillots, et permet une meilleure visualisation des structures anatomiques. La bande d’Esmach pourtant largement utilisée présente des inconvénients (dissémination bactérienne, torsion de peau fragile, libération de plaques athéromateuses ou de thrombus). Le retentissement hémodynamique est minime et n’entraîne pas d’élévation tensionnelle importante. Chez les patients artéritiques ou porteurs d’un pontage vasculaire, d’une fistule artérioveineuse ou d’un lambeau pédiculé l’utilisation du garrot est contre-indiquée.

3) Pression de gonflage

La pression est contrôlée au moyen d’un manomètre (en mmHg) situé sur le moteur permettant le maintien automatique de la pression de gonflage. L’hyperpression localisée comprime les différents tissus situés sous le garrot (la peau, les muscles, les vaisseaux et les nerfs). Seuls de larges garrots permettent de faibles pressions dès lors que le rapport garrot/circonférence de cuisse est ³ 0,3 (le plus souvent 0,15).

La pression d'occlusion artérielle (Po) dépend de la circonférence de la cuisse (C), de la largeur du garrot (L), de la pression artérielle systolique (PAS) et diastolique (PAD) : Formule de Graham

            (PAS - PAD) x C
Po = ¾ ¾ ¾ ¾ ¾ ¾ ¾ ¾ + PAD @ [(PAS - PAD) x 2,5] + PAD
                L x 3

Une marge de 50 à 75 mmHg, au-dessus de la Po, est conseillée pour compenser l'augmentation de la pression pendant la présence du garrot. Une pression de 350 mmHg est un maximum.

4) Durée

La souffrance tissulaire hypoxique d’aval limite la durée d’utilisation du garrot. La durée recommandée à ne pas dépasser est de deux heures pour le membre inférieur. Dans les études expérimentales elle constitue un seuil au-delà duquel apparaît des dysfonctionnements musculaires cliniques et des zones musculaires nécrotiques. Des intervalles de remise en circulation peuvent être programmés (15 min toutes les heures) mais ne sont pas encore bien codifiés.

5) Douleur

Ses mécanismes sont mal connus (stimulation des fibres C amyéliniques). La douleur apparaît au niveau et en aval du garrot dans les minutes qui suivent son installation et s’intensifie progressivement (insupportable sans anesthésie au bout de 30 à 40 min). Au bout de 60 à 90 min, il peut apparaître une élévation tensionnelle liée à la douleur du garrot (hyperactivité sympathique) résistante aux morphinomimétiques. Elle se rencontre plus fréquemment sous anesthésie générale que sous locorégionale (APD > Rachi).

6) Dégonflage

La reperfusion du membre signe la levée du garrot. Localement le volume du membre augmente de par la reperfusion et par la formation d’un œdème de type inflammatoire.

Les effets généraux sont :

- L’épuration des toxines accumulées (produit du métabolisme anaérobie dont l’acide lactique). Les perturbations biologiques sont mineures. La consommation d’O2 et la production de CO2 augmentent. On note une acidose mixte modérée. L’élévation de la PetCO2 est en rapport avec une élévation de la PaCO2. Le retour à la valeur initiale est réalisé en moins de 5 minutes. Sous anesthésie locorégionale, on note une élévation de la ventilation spontanée.

- Une diminution significative (environ 20%) de la pression artérielle et une accélération variable de la fréquence cardiaque. Elle est liée à la reperfusion, la vasodilatation, le saignement et les troubles de la perméabilité capillaire. Il est important de corriger la volémie par un remplissage vasculaire optimal avant le lâcher du garrot.

- L’embolie pulmonaire est la complication majeure à redouter lors de l’utilisation du garrot. L'utilisation de l’échographie transœsophagienne a mis en évidence un processus emboligène sans retentissement clinique chez 23 à 100% des patients.

- Autres (choc anaphylactique, trouble du rythme, sepsis)

La vigilance de l'équipe anesthésique est donc indispensable au lâcher de garrot.

7) Conclusion

Le garrot pneumatique est un "rituel" de la chirurgie orthopédique et traumatologique du membre inférieur. Les problèmes qu'il pose sont minimes si sa pratique est raisonnée. Du matériel adéquat et une gestion concertée des pressions de gonflage et de la durée de mise en place sont indispensables pour une utilisation optimale du garrot.

8) Références

1 - JP Estebe, Y Mallédant. Le garrot pneumatique d'orthopédie. Ann Fr Réanim 1996;15:162-178.

2 - S Delort-Laval. Garrot pneumatique. In Conférences d'actualisation 1997. 39e Congrès national d'anesthésie et de réanimation. SFAR, Elsevier et Paris 1997; 57-71.